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Jacques Fesch -
(Guillotiné le 1er octobre 1957 pour le meurtre d'un policier, Jacques Fesch a vécu une conversion fulgurante en prison. Son procès de béatification est en cours.)
Ma misère, chemin vers Dieu.
"J’ai bien médité la Passion ce matin et en ai retiré beaucoup de forces. Il va d’ailleurs falloir que je m’approche un peu plus de Jésus crucifié, puisque moi aussi, bien que tout à fait indigne, je vais avoir la grâce de vivre mon petit Golgotha.
Quand je lis qu’ils crachèrent sur le Christ et qu’ils le souffletèrent, je me revois aux mains des agents recevant des coups et des crachats, et je comprends mieux les souffrances de Jésus. (…)
Bien entendu, moi je suis coupable et n’entends en rien me mettre en parallèle avec Jésus. Seulement qui comprendra mieux la crucifixion et toutes les douleurs qu’elle entraîne, que le bon larron qui pendait au bois à côté de son Sauveur ?
Et pour qui le Christ est-il venu ?
Il ne faut pas oublier que le premier élu a été un bandit exécuté comme tel et que les bien- portants, ou ceux qui se jugent comme tels, se sont vus traiter de sépulcre blanchi et autres ! Qu’est-ce à dire ? Qu’il faut être un criminel pour être élu ?
Nullement ! Seulement, ce même paria qui a péché, bien souvent sans avoir toute la responsabilité de ses actes, trouvera dans le repentir et la souffrance et surtout la connaissance de sa misère, un chemin plus direct pour aller au cœur de Jésus. (…)
Au fond de moi-même, je ressens avec intensité toute l’injustice et la stupidité des jugements humains. J’aimerais bien souvent laisser libre cours à mes rancœurs, démontrer la vanité et la présomption de ceux qui osent juger ; et aussitôt, je vois Jésus, l’amour fait homme, subissant, sans un mot, les pires outrages, les pires injustices, et je ravale ma rage, remettant toute justice dans les mains de mon Dieu, et me réjouissant d’avoir moi aussi un tout petit quelque chose à apporter en réparation des péchés. (…)
Bon Jésus, que d’actions de grâces, que de reconnaissances je lui dois !
Mes peines sont devenues mes joies et aucune joie terrestre ne saurait remplacer la douceur, la suavité de pareils transports !
Voilà ce que peut faire l’amour de Dieu dans une âme qui était molle, sale et bien misérable. Quel mérite en ai-je ?
Aucun, si ce n’est d’avoir laissé le petit Jésus modeler mon âme comme Il l’entendait."