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Cardinal Albert Decourtray(Le petit garçon à la casquette)
le 8 avril 1984, Mgr Decourtray avait envoyé un message pour le 40e anniversaire du CRIF (Conseil représentatif des Institutions juives de France) C’est dans ce texte qu’il évoqua, concernant la Shoah, la très célèbre photographie « du petit garçon à la casquette (1). Il le fit en ces termes :
« Cela restera pour moi toujours symbolisé par l’image incroyable et stupide du petit garçon en casquette, les deux mains levées, dans le geste éternel du coupable dangereux que l’on désarme. Ce petit garçon qui s’avance tout droit, sans comprendre, portant sur son cœur l’étoile de David, s’avance en fait pour l’éternité, au-delà de nous, face aux générations et aux nations. Il s’avance comme le porteur de l’innocence transformée en faute, comme le signe limite de la culpabilité de l’étoile qui brille dans la nuit pour porter aux hommes l’espérance avec l’annonce du jour et l’assurance de la vie. »
Ce message allait avoir des conséquences inattendues et durables. Me Alain Jakubowicz, président du CRIF Rhône-Alpes, a écrit, dans un document relatif au projet de Mémorial Albert Decourtray à Jérusalem :Alors que je préparais la plaidoirie que je devais prononcer au terme du procès de Klaus Barbie, [le cardinal] m’avait fait parvenir le texte qu’il avait rédigé au sujet de ce petit garçon, frère de cœur et de destin des enfants d’Izieu. Ce texte m’a ému au point que j’ai estimé devoir le citer au cours de ma plaidoirie. Fait inhabituel dans un procès d’assises, j’ai même estimé devoir illustrer mon propos en produisant à la Cour et aux jurés un agrandissement de la photographie de ce petit garçon à la casquette.Le procès terminé, j’ai tenu à offrir cette photographie à Mgr Decourtray. Il l’a conservée jusqu’au soir de sa vie. Tous ceux qui avaient le privilège de lui rendre visite ont pu voir cette photographie, qui faisait partie de son quotidien, affichée dans son bureau, face au fauteuil où il prenait place pour travailler et, sûrement, pour méditer.Ce « petit garçon à la casquette portant sur son cœur l’étoile de David » était un peu devenu l’enfant du cardinal Decourtray, parce qu’il était toute l’humanité.Le 20 janvier 2005, lors de la commémoration du 10e anniversaire du décès de Mgr Decourtray, le cardinal Philippe Barbarin présenta aux intervenants la photographie que l’archevêque « avait placée en évidence dans son bureau et qui y est restée. » Mgr Barbarin ajouta : « Les lieux où je vis gardent son souvenir [… Je peux] lever les yeux vers la photo de “l’enfant à la casquette”, l’enfant du ghetto de Varsovie que tous voient en entrant, si je puis dire, dans “notre” bureau. »