Affichage des articles dont le libellé est Carême. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Carême. Afficher tous les articles

2484

        Pape Paul VI
         (Message du pape Paul VI, pour le Carême 1974)
"Dans le langage imagé de son époque, saint Basile de Césarée prêchait déjà à ceux qui sont dans l’aisance : «Le pain qui demeure inutile chez vous, c’est le pain de celui qui a faim ; la tunique suspendue dans votre garde-robe, c’est la tunique de celui qui est nu ; la chaussure qui demeure inutile chez vous est celle du pauvre qui va nu-pieds ; l’argent que vous tenez enfoui, c’est l’argent du pauvre : vous commettez autant d’injustices que vous pourriez répandre de bienfaits » (Homélie VI sur Lc, XII, 18, PG XXXI, col. 275).
De telles paroles donnent à réfléchir en un temps où haine et conflits sont provoqués par l’injustice de celui qui accapare quand l’autre n’a rien, de celui qui préfère le souci de son propre lendemain à l’aujourd’hui de son prochain, de celui qui, par ignorance ou par égoïsme, refuse de se priver du superflu en faveur de ceux qui manquent du nécessaire (cf. Mater et Magistra)." (...) 
Sachez tous écouter dans notre appel un double écho : celui de la voix du Seigneur qui vous parle et vous exhorte, et celui du gémissement de l’humanité qui pleure et qui vous prie. Tous, évêques et prêtres, religieuses et religieux, laïcs adultes et enfants, à titre individuel et en communauté, nous sommes appelés à faire œuvre de partage, dans l’amour, car c’est un commandement du Seigneur."

 

2413

        Pape François
         (Discours préparé par le Pape pour la rencontre de Carême avec les prêtres de Rome - 27 février 2020 - liturgie pénitentielle - L'amertume)
Troisième cause d’amertume: les problèmes entre nous

Ces dernières années, les prêtres ont subi les coups des scandales, financiers et sexuels. Le soupçon a rendu les relations considérablement plus froides et formelles; on n’apprécie plus les dons des autres, au contraire, il semble qu’il soit devenu une mission de détruire, minimiser, faire soupçonner. Face aux scandales, le malin nous tente en nous poussant vers une vision «donatiste» de l’Eglise: à l’intérieur, les irréprochables, dehors ceux qui se trompent! Nous avons de fausses conceptions de l’Eglise militante, dans une sorte de puritanisme ecclésiologique. L’Épouse du Christ est et demeure le champ dans lequel poussent jusqu’à la parousie le bon grain et l’ivraie. Qui n’a pas fait sienne cette vision évangélique de la réalité s’expose à d’indicibles et inutiles amertumes.

Quoi qu’il en soit, les péchés publics et publicisés du clergé ont rendu tout le monde plus circonspect et moins disposé à instaurer des liens significatifs, surtout en ce qui concerne le partage de la foi. Les rendez-vous communs se multiplient — formation permanente et autre — mais on participe avec un cœur moins disposé. Il y a plus de «communauté» mais moins de communion! La question que nous nous posons, lorsque nous rencontrons un nouveau confrère, émerge silencieusement: «Qui ai-je vraiment devant moi? Puis-je me fier?».

Il ne s’agit pas de la solitude: elle n’est pas un problème, mais un aspect du mystère de la communion. La solitude chrétienne — celle de celui qui rentre dans sa chambre et prie son Père dans le secret — est une bénédiction, la véritable source de l’accueil aimant de l’autre. Le vrai problème ne réside pas dans le fait qu’on ne trouve plus le temps pour rester seul. Sans solitude, il n’y a pas d’amour gratuit et les autres deviennent un succédané des vides. En ce sens, comme prêtres, il faut toujours que nous réapprenions à rester seuls «de façon évangélique», comme Jésus la nuit avec le Père [2].
Ici, le drame, c’est l’isolement, qui est autre chose par rapport à la solitude. Un isolement, pas seulement et pas tant extérieur — nous sommes toujours au milieu des gens — qu’inhérent à l’âme du prêtre. Je commence par l’isolement plus profond, pour ensuite toucher une forme plus visible.

Isolés par rapport à la grâce: atteints par le sécularisme, nous ne croyons plus ni ne sentons que nous sommes entourés d’amis célestes — le «grand nombre de témoins» (cf. He 12, 1) —; il nous semble que nous faisons l’expérience que notre histoire, nos douleurs, ne touchent personne. Le monde de la grâce nous est devenu peu à peu étranger, les saints nous semblent être uniquement les «amis imaginaires» des enfants. L’Esprit qui habite le cœur — en substance et non en apparence — est quelque chose que nous n’avons peut-être jamais expérimenté, par dissipation ou par négligence. Nous connaissons, mais nous ne «touchons» pas. L’éloignement de la force de la grâce produit rationalismes ou sentimentalismes. Jamais une chair rachetée.

S’isoler par rapport à l’histoire: tout semble se consumer ici et maintenant, sans espérance dans les biens promis et dans la récompense future. Tout s’ouvre et se ferme avec nous. Ma mort n’est pas le passage du témoin, mais une interruption injuste. Plus on se sent spécial, puissant, riche de dons, plus le cœur se ferme au sens continu de l’histoire du peuple de Dieu auquel on appartient. Notre conscience individualisée nous fait croire que rien n’a existé avant nous et que rien n’existera après. C’est pour cette raison que nous avons tant de mal à prendre soin de ce que notre prédécesseur a commencé de bon, et à le protéger: souvent, nous arrivons à la paroisse et nous nous sentons le devoir de faire table rase, pour nous distinguer et nous différencier. Nous ne sommes pas capables de continuer à faire vivre le bien dont nous n’avons pas nous-mêmes accouché! Nous recommençons à zéro parce que nous ne ressentons pas le goût d’appartenir à un chemin communautaire de salut.

Isolés par rapport aux autres: l’isolement par rapport à la grâce et à l’histoire est une des causes de l’incapacité parmi nous d’instaurer des relations significatives de confiance et de partage évangélique. Si je suis isolé, mes problèmes paraissent uniques et insurmontables: personne ne peut me comprendre. C’est l’une des pensées préférées du père du mensonge. Souvenons-nous des paroles de Bernanos (dans le Journal d’un curé de campagne): «Il faut beaucoup de temps pour le reconnaître, et la tristesse qui l’annonce, le précède, est si douce! C’est le plus riche des élixirs du démon, son ambroisie!». Une pensée qui peu à peu prend corps et nous renferme en nous-mêmes, nous éloigne des autres et nous met en position de supériorité. Parce que personne ne serait à la hauteur des exigences. Une pensée qui, à force de se répéter, finit par se nicher en nous. «Qui masque ses forfaits point ne réussira; qui les avoue et y renonce obtiendra miséricorde» (cf. Pr 28, 13).

Le démon ne veut pas que tu parles, que tu racontes, que tu partages. Alors toi, cherche un bon père spirituel, âgé, «malin» qui puisse t’accompagner. Ne jamais s’isoler, jamais! Le sentiment profond de la communion ne se ressent que lorsque, personnellement, je prends conscience du «nous» que je suis, que j’ai été et que je serai. Sinon, les autres problèmes arrivent en cascade: de l’isolement, d’une communauté sans communion, naît la compétition et sûrement pas la coopération: il émerge le désir de reconnaissances et non la joie d’une sainteté partagée; on entre en relation, soit pour se comparer, soit pour s’épauler.

Souvenons-nous du peuple d’Israël lorsque, marchant dans le désert pendant trois jours, il arriva à Mara, mais ne put boire l’eau parce qu’elle était amère. Devant la protestation du peuple, Moïse invoqua le Seigneur et l’eau devint douce (cf. Ex 15, 22-25). Le saint peuple fidèle de Dieu nous connaît mieux que personne. Ils sont très respectueux et savent accompagner leurs pasteurs et prendre soin d’eux. Ils connaissent nos amertumes et prient aussi le Seigneur pour nous. Ajoutons à leurs prières les nôtres et demandons au Seigneur de transformer nos amertumes en eau douce pour son peuple. Demandons au Seigneur de nous donner la capacité de reconnaître ce qui nous rend amers pour nous laisser transformer et être des personnes réconciliées qui réconcilient, des personnes pacifiées qui pacifient, des personnes pleines d’espérance qui donnent l’espérance. Le peuple de Dieu attend de nous des maîtres en esprit, capables d’indiquer les puits d’eau douce au milieu du désert.
[2] C’est une solitude à moitié — disons-le sincèrement —, parce que c’est la solitude du pasteur qui est remplie de noms, de visages, de situations, du pasteur qui le soir, est fatigué et parle avec son Seigneur de toutes ces personnes. La solitude du pasteur est une solitude habitée des rires et des pleurs des personnes et de la communauté; c’est une solitude avec des visages à offrir au Seigneur.

2412

        Pape François
         (Discours préparé par le Pape pour la rencontre de Carême avec les prêtres de Rome - 27 février 2020 - liturgie pénitentielle - L'amertume)
Seconde cause d’amertume: les problèmes avec l’évêque
Je ne veux pas tomber dans la rhétorique ni chercher le bouc émissaire, ni même me défendre ou défendre ceux de mon entourage. Le lieu commun, qui voit dans les supérieurs les fautes de tout, ne tient plus. Nous avons tous des failles, petites et grandes. Au jour d’aujourd’hui, on a l’impression de respirer une atmosphère générale (pas seulement entre nous) de médiocrité diffuse, qui ne nous permet pas de nous accrocher à des jugements faciles. Mais le fait est que beaucoup d’amertume dans la vie du prêtre vient des omissions des pasteurs.
Nous faisons tous l’expérience de nos limites et de nos manques. Nous sommes confrontés à des situations dans lesquelles nous nous rendons compte que nous ne sommes pas préparés de manière adéquate… Mais en montant progressivement vers des services et des ministères de plus grande visibilité, les carences deviennent plus évidentes et font plus de bruit; et c’est aussi une conséquence logique que, dans cette relation, il y a un grand enjeu, dans le bien et dans le mal. Quelles omissions? Il ne s’agit pas ici des divergences souvent inévitables sur les problèmes de gestion ou les styles pastoraux. Cela est tolérable et fait partie de la vie sur cette terre. Tant que le Christ ne sera pas tout en tous, tout le monde cherchera à s’imposer à tout le monde! C’est l’Adam déchu qui est en nous qui nous joue ces tours.
Le véritable problème qui rend amer, ne sont pas les divergences (et peut-être pas non plus les erreurs: un évêque a aussi le droit de se tromper, comme toutes les créatures!), mais plutôt deux motifs très sérieux et déstabilisants pour les prêtres.
Avant tout, une certaine dérive autoritaire soft: on n’accepte pas ceux qui parmi nous pensent différemment. Pour un mot, on est relégué dans la catégorie de ceux qui rament à contre-courant, pour un «distinguo» on est inscrit parmi les mécontents. La parrhésie est enterrée par la frénésie d’imposer des projets. Le culte des initiatives se substitue à l’essentiel: une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu Père de tous. L’adhésion aux initiatives risque de devenir le critère de la communion. Mais elle ne coïncide pas toujours avec l’unanimité des opinions. Et on ne peut pas non plus prétendre que la communion soit exclusivement unidirectionnelle: les prêtres doivent être en communion avec leur évêque... et les évêques en communion avec leurs prêtres: ce n’est pas un problème de démocratie, mais de paternité.
Dans sa Règle — au célèbre chapitre iii — saint Benoît recommande que l’abbé, lorsqu’il doit affronter une question importante, consulte la communauté tout entière, y compris les plus jeunes. Puis il poursuit en répétant que la décision ultime revient uniquement à l’abbé, qui doit tout disposer avec prudence et équité. Pour Benoît, ce n’est pas l’autorité qui est remise en question, bien au contraire, c’est l’abbé qui répond devant Dieu de la conduite du monastère; mais il est dit que, pour décider, il doit être «prudent et équitable». Le premier terme, nous le connaissons bien: prudence et discernement font partie du vocabulaire commun.
L’«équité» est moins habituelle: équité veut dire tenir compte de l’opinion de tous et sauvegarder la représentativité du troupeau, sans faire de préférences. La grande tentation du pasteur est de s’entourer des «siens», des «proches»; et ainsi, malheureusement, la réelle compétence est supplantée par une certaine loyauté présumée, sans plus distinguer entre celui qui fait plaisir et celui qui conseille de manière désintéressée. Cela fait beaucoup souffrir le troupeau qui, souvent, accepte sans rien extérioriser. Le Code de droit canonique rappelle que les fidèles «ont le droit et même parfois le devoir de donner aux pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de l’Eglise» (can. 212 par. 3). Certes, en ce temps de précarité et de fragilité diffuse, la solution semble être l’autoritarisme (dans le domaine politique, cela est évident). Mais la véritable sollicitude — comme le conseille saint Benoît — repose sur l’équité, et non sur l’uniformité[1].
[1] Un deuxième motif d’amertume provient d’une «perte» dans le ministère des pasteurs: étouffés par des problèmes de gestion et par des urgences de personnel, nous risquons de négliger le munus docendi. L’évêque est le maître de la foi, de l’orthodoxie et de l’«ortopathie», de la juste manière de croire et de sentir dans l’Esprit Saint. Dans l’ordination épiscopale, l’épiclèse est priée avec l’Evangéliaire ouvert sur la tête du candidat et l’imposition de la mitre redit extérieurement le munus de transmettre non pas les croyances personnelles, mais la sagesse évangélique. Qui est le catéchiste de ce disciple permanent qu’est le prêtre? L’évêque, naturellement! Mais qui s’en souvient? On pourrait objecter que les prêtres, en général, ne veulent pas être instruits par les évêques. Et c’est vrai. Mais ceci — même si c’était le cas — n’est pas un bon motif pour renoncer au munus. Le saint peuple de Dieu a droit à avoir des prêtres qui enseignent à croire; et les diacres et les prêtres ont le droit d’avoir un évêque qui, à son tour, enseigne à croire et à espérer dans l’Unique Maître, Chemin, Vérité et Vie, qui enflamme leur foi. En tant que prêtre, je ne veux pas que l’évêque me satisfasse, mais qu’il m’aide à croire. Je voudrais pouvoir fonder en lui mon espérance théologale! Parfois, on se limite à suivre uniquement les confrères en crise (et c’est bien) mais les «ânes en bonne santé» auraient aussi besoin d’une écoute plus ciblée, sereine et en dehors des urgences. Voici donc une seconde omission qui peut provoquer de l’amertume: le renoncement au munus docendi à l’égard des prêtres (et pas seulement). Des pasteurs autoritaires qui ont perdu l’autorité d’enseigner?

2411

        Pape François
         (Discours préparé par le Pape pour la rencontre de Carême avec les prêtres de Rome - 27 février 2020 - liturgie pénitentielle)
Première cause d’amertume: les problèmes avec la foi
«Nous espérions que c’était Lui», se confient l’un à l’autre les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 21). Une espérance déçue est à l’origine de leur amertume. Mais il faut réfléchir: est-ce le Seigneur qui nous a déçus ou bien est-ce nous qui avons confondu l’espérance avec nos attentes? L’espérance chrétienne, en réalité, ne déçoit pas et n’échoue pas. Espérer n’est pas se convaincre que les choses iront mieux, mais que tout ce qui arrive a un sens à la lumière de Pâques. Mais pour espérer de façon chrétienne, il faut — comme l’enseignait saint Augustin à Proba — vivre une vie de prière substantielle. C’est là que l’on apprend à faire la distinction entre attentes et espérance. 
Or, la relation à Dieu — plus que les déceptions pastorales — peut être cause d’une profonde amertume. Parfois, il semble presque qu’Il ne respecte pas les attentes d’une vie pleine et abondante, que nous avions le jour de notre ordination. Parfois, une adolescence jamais terminée n’aide pas à passer des rêves à la spes. En tant que prêtres, peut-être sommes-nous trop «bien comme il faut» dans notre relation à Dieu et nous ne nous hasardons pas à protester dans la prière, comme le psalmiste, le fait en revanche très souvent — non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour notre peuple; parce que le pasteur porte aussi les amertumes de son peuple —; mais les psaumes ont été eux aussi «censurés» et nous avons du mal à faire nôtre une spiritualité de la protestation. Nous tombons ainsi dans le cynisme: mécontents et un peu frustrés. La véritable protestation — de l’adulte — n’est pas contre Dieu mais devant Lui, parce qu’elle naît justement de notre confiance en Lui: celui qui prie rappelle au Père qui il est et ce qui est digne de son nom. Nous devons sanctifier son nom, mais parfois, les disciples doivent réveiller le Seigneur et lui dire: «Tu ne te soucies pas de ce que nous sommes perdus?». Ainsi, le Seigneur veut nous impliquer directement dans son Royaume. Non comme des spectateurs, mais en participant activement. 
Quelle différence y a-t-il entre attentes et espérance? L’attente naît quand nous passons notre vie à sauver notre vie: nous nous donnons du mal à chercher des sécurités, des récompenses, des promotions… Quand nous recevons ce que nous voulons, nous avons presque l’impression que nous ne mourrons jamais, que ce sera toujours ainsi! Parce que c’est nous qui sommes le point de référence. L’espérance est au contraire quelque chose qui naît dans le cœur quand il se décide à ne plus se défendre. Quand je reconnais mes limites, et que tout ne commence pas et ne finit pas avec moi, alors je reconnais combien il est important d’avoir confiance. Le théatin Lorenzo Scupoli l’enseignait déjà dans son Combat spirituel: la clé de tout se trouve dans un double mouvement simultané: se méfier de soi, faire confiance à Dieu. J’espère non pas lorsqu’il n’y a plus rien à faire, mais quand je cesse de me donner du mal uniquement pour moi. L’espérance s’appuie sur une alliance: Dieu m’a parlé et m’a promis, le jour de mon ordination, que ma vie serait pleine, de la plénitude et avec la saveur des Béatitudes; certes avec des tribulations — comme celles de tous les hommes — mais belle. Ma vie a de la saveur si je vis Pâques, pas si les choses vont comme je le dis. 
Et ici, on comprend autre chose: il ne suffit pas d’écouter simplement l’histoire pour comprendre ces processus. Il faut écouter l’histoire et notre vie à la lumière de la Parole de Dieu. Les disciples d’Emmaüs surmontèrent leur déception quand le Ressuscité leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Ecritures. Voilà: les choses iront mieux non seulement parce que nous changerons de supérieurs, ou de mission, ou de stratégies, mais parce que nous serons consolés par la Parole. Le prophète Jérémie confessait: «Ta parole était mon ravissement et l'allégresse de mon cœur» (15, 16). 
L’amertume — qui n’est pas une faute — doit être accueillie. Elle peut être une grande occasion. Peut-être est-elle même salutaire, parce qu’elle fait sonner le signal d’alarme intérieur: attention, tu as pris tes sécurités pour l’alliance, tu es en train de devenir «sans intelligence et au cœur lent». Il y a une tristesse qui peut nous conduire à Dieu. Accueillons-la, ne nous mettons pas en colère contre nous-mêmes. Cette fois peut être la bonne. Même saint François d’Assise en a fait l’expérience, il nous le rappelle dans son Testament (cf. Sources franciscaines, n. 110). L’amertume se changera en une grande douceur, et les douceurs faciles, mondaines, se transformeront en amertume.

2410

        Pape François
         (Discours préparé par le Pape pour la rencontre de Carême avec les prêtres de Rome - 27 février 2020 - liturgie pénitentielle - sur l'amertume)
Regarder en face nos amertumes et nous confronter à elles nous permet de prendre contact avec notre humanité, avec notre humanité bénie. Et ainsi, nous souvenir qu’en tant que prêtres, nous ne sommes pas appelés à être tout-puissants, mais des hommes pécheurs pardonnés et envoyés. Comme le disait saint Irénée de Lyon: «Ce qui n’est pas assumé n’est pas racheté». Laissons ces «amertumes» nous indiquer elles aussi la voie vers une plus grande adoration du Père et nous aider à expérimenter à nouveau la force de son onction miséricordieuse (cf. Lc 15, 11-32). Comme le dit le psalmiste: «Pour moi tu as changé le deuil en une danse, tu dénouas mon sac et me ceignis d'allégresse; aussi mon cœur te chantera sans plus se taire» (Ps 30, 11-12).

2409

        Benoît XVI
         (Message pour le Carême 2006)
"En nous tournant vers le divin Maître, en nous convertissant à Lui, en faisant l’expérience de sa miséricorde grâce au sacrement de la Réconciliation, nous découvrirons un «regard» qui nous scrute dans les profondeurs et qui peut animer de nouveau les foules et chacun d’entre nous. Ce «regard» redonne confiance à ceux qui ne se renferment pas dans le scepticisme, en leur ouvrant la perspective de l’éternité bienheureuse. En fait, déjà dans l’histoire, même lorsque la haine semble dominer, le Seigneur ne manque jamais de manifester le témoignage lumineux de son amour."

2408

        Benoît XVI
         (Message pour le Carême 2006)
La tentation a été de croire que devant les urgences pressantes on devait en premier lieu pourvoir au changement des structures extérieures. Cela eut comme conséquence pour certains la transformation du christianisme en un moralisme, la substitution du croire par le faire. C’est pourquoi, mon Prédécesseur de vénérée mémoire, Jean-Paul II, observait avec raison : «Aujourd'hui, la tentation existe de réduire le christianisme à une sagesse purement humaine, en quelque sorte une science pour bien vivre. En un monde fortement sécularisé, est apparue une ‘sécularisation progressive du salut’, ce pourquoi on se bat pour l'homme, certes, mais pour un homme mutilé, ramené à sa seule dimension horizontale. Nous savons au contraire que Jésus est venu apporter le salut intégral» (Encyclique Redemptoris missio, n. 11).
C’est justement à ce salut intégral que le Carême veut nous conduire en vue de la victoire du Christ sur tout mal qui opprime l’homme.

2407

        Benoît XVI
         (Message pour le Carême 2006)
"L’Église ressent aujourd’hui encore comme son devoir de demander à ceux qui détiennent des responsabilités politiques et qui ont entre leurs mains les leviers du pouvoir économique et financier de promouvoir un développement fondé sur le respect de la dignité de tout homme. Une importante authentification de cet effort consistera dans la liberté religieuse effective, entendue non pas simplement comme possibilité d’annoncer et de célébrer le Christ, mais aussi comme contribution à l’édification d’un monde animé par la charité. Dans cet effort, s’inscrit également la considération effective du rôle central que les valeurs religieuses authentiques jouent dans la vie de l’homme, en tant que réponse à ses interrogations les plus profondes et motivation éthique par rapport à ses responsabilités personnelles et sociales. Tels sont les critères sur la base desquels les chrétiens devront aussi apprendre à évaluer avec sagesse les programmes de ceux qui les gouvernent."

2406

        Benoît XVI
         (Message pour le Carême 2006)
Face aux terribles défis de la pauvreté d’une si grande part de l’humanité, l’indifférence et le repli sur son propre égoïsme se situent dans une opposition intolérable avec le «regard» du Christ. Avec la prière, le jeûne et l’aumône, que l’Église propose de manière spéciale dans le temps du Carême, sont des occasions propices pour se conformer à ce «regard». Les exemples des saints et les multiples expériences missionnaires qui caractérisent l’histoire de l’Église constituent des indications précieuses sur le meilleur moyen de soutenir le développement. Aujourd’hui encore, au temps de l’interdépendance globale, on peut constater qu’aucun projet économique, social ou politique ne remplace le don de soi à autrui, dans lequel s’exprime la charité. Celui qui agit selon cette logique évangélique vit la foi comme amitié avec le Dieu incarné et, comme Lui, se charge des besoins matériels et spirituels du prochain. Il le regarde comme un mystère incommensurable, digne d’une attention et d’un soin infinis. Il sait que celui qui ne donne pas Dieu donne trop peu.

2250

    Hymne
    (Ami des hommes, Jésus Christ - CFC/CNPL)
Ami des hommes, Jésus Christ,
Tu donnes sens à notre histoire ;
Les yeux fixés sur l'avenir,
L'Église vit de ta mémoire.

Le temps du jeûne t'offrira
La part obscure de nous mêmes. 
Tes mains, captives sur la croix,
Dénouent les liens de nos ténèbres. 
Ne laisse pas, au long du jour,
Nos vies manquer à la Lumière ; 
Recharge-les du poids d'amour
Qui les entraîne vers le Père.

2157

    André Dumas
     (Rends-nous solidaires dans la Vérité)
"Notre Dieu, nous sommes en solidarité avec ceux qui vivent dans le danger et dans le combat. De loin ou de près, nous partageons leur détresse et leur espoir. Apprends-nous à étendre nos vies au-delà de nous-mêmes et à étirer notre cœur jusqu’aux frontières où les hommes souffrent et transforment le monde. Mets-nous en solidarité avec l’étranger, que nous ignorons, avec le démuni, que nous effaçons, avec le prisonnier, que nous évitons. Oh Dieu, que la solidarité soit ainsi un nom nouveau, un nom actuel pour cette fraternité à laquelle tu nous appelles sans cesse. 
Mais, ô Dieu, rends-nous solidaires dans la vérité et non pas dans le mensonge des tactiques. Délivre-nous de toute solidarité qui tournerait à la partialité destructrice et qui nous entraînerait dans la captivité de nos propres amis. Car tu nous veux solidaires, mais non pas partisans, toi qui as pris parti pour nous, sans jamais nous mentir sur nous-mêmes. Mais, ô Dieu, rends-nous solidaires dans l’efficacité et non pas dans le verbalisme des déclarations. Délivre nous de toute solidarité qui tournerait à l’inflation vaine et qui nous plongerait dans la paille des mots sans le grain des choses. Car tu nous veux solidaires, mais non pas tribuns, toi qui es toujours parole unie à la vie, parole en acte, fût-ce dans le silence. 
Mais, ô Dieu, rends-nous solidaires dans l’espérance et non pas dans la dramatique des catastrophes. Délivre-nous de cet obscur besoin que nous avons parfois de la souffrance humaine, comme si la souffrance pouvait être un quelconque bien, sauf pour celui qui dure en l’endurant. Car tu nous veux solidaires, mais non pas prophètes de malheur, toi qui as toujours voulu pour les hommes la justice et la liberté, la joie et la paix.
Mais, ô Dieu, rends-nous solidaires en humilité, car nous ne sommes pas capables de porter la terre entière. Délivre-nous de l’accablement qui n’aide personne et de la pitié, qui empoisonne tout. Car tu nous veux solidaires de celui dont nous devenons vraiment le prochain. 
Ô Dieu, purifie nos solidarités. Rends-les vraies, fécondes, ardentes et humbles.
Nous te le demandons au nom de Celui qui a été résolument solidaire de l’homme abandonné et méprisé, Jésus."

2156

    Abbé Franz Lichtlé
     (Que mon jeûne Te plaise Seigneur !)
Seigneur je m’offre à Toi ces 40 jours, pour que Tu puisses continuer Ta création en moi. Que ce soit un temps de recréation de mon être, à Ton image, toujours imparfait mais en route. Que ma disponibilité permette Ton action en moi, pour que je puisse de plus en plus ressembler à Ton image.
Crée en moi un cœur pur. Crée en moi ce qu’il peut y avoir de plus beau. Donne à ce que j’ai de plus intime d’être le reflet de Ta beauté, de Ta bonté, de Ton amour, de Ton pardon.
Il ne s’agit pas de peiner à rendre service, mais que ma disponibilité et mon sourire à l’autre, deviennent ma nature d’être. Il ne s’agit pas de porter le fardeau de la renonciation au bien, mais que le partage me mette en communion avec ceux qui souffrent. Il ne s’agit pas de souffrir dans la privation, mais que je sois dans la joie de me sentir libre face aux sollicitations.
Que ce ne soit pas un moment passager pour une bonne conscience, mais un temps durable de vérité avec Toi, les autres et moi-même. Que je ne cherche pas d’abord une efficacité qui serait bien illusoire, mais que mon don, quel qu’il soit, soit gratuit et sans contrepartie. Que mon attitude quotidienne soit en harmonie avec ce que Tu m’as donné d’être, en harmonie avec la nature pour le bien commun.
Que mes combats ne soient pas une défense de mes petits intérêts mesquins, mais qu’ils participent à une juste cause pour que Ta Pâque se réalise.
Ainsi soit-il. 


2139

    Hymne
      (EN QUELS PAYS DE SOLITUDE - D. Rimaud — CNPL)
En quels pays de solitude,
Quarante jours, quarante nuits,
Irez-vous, poussés par l’Esprit ?
Qu’Il vous éprouve et vous dénude !
Voyez : les temps sont accomplis,
Et Dieu vous convoque à l’oubli
De ce qui fut vos servitudes.

Sur quels sommets d’incandescence
Entendrez-vous le Bien-Aimé
Vous parlant depuis la nuée ?
Qu’Il vous prépare à ses souffrances !
Suivez Jésus transfiguré :
Demain, Il sera crucifié
En signature d’Alliance.

Ne forez plus vos puits d’eau morte :
Vous savez bien le don de Dieu
Et quelle est sa grâce, et son jeu :
Il vous immerge, Il vous rénove !
La vie s’élève peu à peu,
Les champs sont dorés sous vos yeux :
Embauchez-vous où Dieu moissonne !

Pourquoi rester sur vos ornières.
Baissant vos fronts d’aveugles-nés ?
Vous avez été baptisés !
L’amour de Dieu fait tout renaître.
Croyez Jésus : c’est l’Envoyé !
Vos corps à son corps sont branchés :
Prenez à lui d’être lumière.

Déjà vos tombes se descellent
Sous la poussée du Dieu vivant.
Regardez : Jésus y descend !
Appelez-le : Il vous appelle.
Venez dehors ! C’est maintenant
Le jour où la chair et le sang
Sont travaillés de vie nouvelle !

2134

  pape François
(Angélus du 1er mars 2020)
« Jésus ne dialogue pas avec le diable. Jésus répond au diable par la Parole de Dieu, non par sa parole. Dans la tentation, nous commençons très souvent à dialoguer avec la tentation, à dialoguer avec le diable: «Oui, mais je peux faire cela …, et puis je me confesse, puis ceci, puis cela… ». Il ne faut jamais parler avec le diable. Jésus fait deux choses avec le diable : il le chasse ou, comme dans ce cas, il répond par la Parole de Dieu. [...]
Que la Vierge Marie, Mère de Celui qui a écrasé la tête du serpent, nous aide en ce temps de carême à être vigilants face aux tentations, à ne nous soumettre à aucune idole de ce monde, à suivre Jésus dans sa lutte contre le mal; et nous serons nous aussi vainqueurs comme Jésus. »
 

2090

      père Ranièro Cantalamessa
     (1ère prédication de Carême - 14 mars 2014) 
"Ce que l’on fait à l’extérieur est exposé au danger presqu’inévitable de l’hypocrisie. Le regard d’autres personnes a le pouvoir de faire dévier notre attention, comme certains champs magnétiques font dévier les ondes. L’action perd son authenticité et sa récompense. Le « paraître » prend le dessus sur l’ « être ». C’est pourquoi Jésus invite à jeûner et à faire l’aumône en cachette, à prier le Père « en secret » (cf. Mt 6, 1-4). L’intériorité est la voie qui conduit à une vie authentique."

2089

      père Ranièro Cantalamessa
     (1ère prédication de Carême - 14 mars 2014) 
"Que représente le cœur, dont on parle si souvent dans la Bible et dans le langage humain? En dehors du domaine de la physiologie humaine, où celui-ci n’est qu’un organe quoique vital de notre corps, le cœur est un lieu métaphysique, le plus profond d’une personne; c’est l’intime de chaque homme, là où chacun vit sa condition d’être humain, c’est-à-dire sa vie intérieure, par rapport à Dieu, dont il vient et en qui il trouve son but, par rapport aux autres hommes et à la création entière. Dans le langage commun aussi, le cœur désigne la partie essentielle d’une réalité. « Aller au cœur d’un problème » veut dire aller à sa partie essentielle, dont dépend l’explication de toutes les autres parties du problème.
Le cœur d’une personne indique aussi l’endroit spirituel, là où il est possible de contempler la personne dans sa réalité la plus profonde et la plus vraie, sans voiles, et sans s’arrêter à ses aspects marginaux. C’est sur le cœur que le jugement dernier de toute personne a lieu, sur ce qu’elle porte en elle et qui est source de sa bonté ou de sa méchanceté. Connaître le cœur d’une personne veut dire avoir pénétré le sanctuaire intime de sa personnalité, et ainsi connaître cette personne pour ce qu’elle est et sa vraie valeur.
Revenir au cœur signifie donc revenir à ce qu’il y a de plus personnel et d’intérieur en nous."

2088

      saint Augustin
     ( In Ioh. Ev., 18, 10 (CCL 36, p. 186).)
« Revenez à votre cœur ! Où voulez-vous aller loin de vous ? Rentrez de votre vagabondage qui vous a fait quitter la route ; revenez vers le Seigneur. Lui Il est prêt. D’abord reviens à ton cœur, toi qui est devenu étranger à toi-même, à force de vagabonder dehors: tu ne te connais pas toi-même, et cherche celui qui t’a créé ! Reviens, reviens au cœur, détache-toi du corps… Rentre dans le cœur : là examine ce que tu perçois peut-être de Dieu, parce que là se trouve l’image de Dieu; dans l’intériorité de l’homme habite le Christ »

2087

      père Ranièro Cantalamessa
     (1ère prédication de Carême - 14 mars 2014 ) 
« La forme la plus nécessaire et la plus significative de jeûne, pour nous aujourd’hui, s’appelle sobriété. Se priver volontairement de petits ou de grands conforts, de ce qui est accessoire ou inutile, est communion à la Passion du Christ, et solidarité avec la pauvreté du plus grand nombre » 

2086

      Saint Augustin
     (Traité sur la question du jeûne ) 
"Le jeûne ne doit pas vous apparaître comme une chose de peu d'importance ou superflue. Que celui qui le pratique, selon la tradition de l'Eglise, ne pense pas en son for intérieur: Que te sert de jeûner? Tu frustres ta vie, tu te procures toi-même une peine... Mais répond ainsi au tentateur : je m'impose certes une privation, mais pour qu'Il me pardonne, pour être agréable à Ses yeux, pour arriver à me réjouir de Sa douceur..."

2085

      Jeûne
     (Toi qui veut jeûner... ) 
Le jeûne comporte le choix d'une vie sobre, dans son style, une vie qui ne gaspille pas, une vie qui ne « met pas au rebut» nous sommes invités en ce temps de Carême à vivre une privation que nous ressentons dans notre chair comme un manque. Alors, toi qui veux jeûner :

"- Jeûne de paroles blessantes :
que tes lèvres ne prononcent que paroles de bénédiction. 
- Jeûne de critiques et de médisances :
bienveillance et miséricorde doivent habiter ton âme. 
- Jeûne de mécontentement :
que douceur et patience deviennent tes compagnes de chaque jour. 
- Jeûne de ressentiment :
que ton coeur cultive la gratitude. 
- Jeûne de rancune :
que le pardon ouvre toutes les portes qui t'ont été fermées. 
- Jeûne d'égoïsme :
que la compassion et la charité fleurissent à chacun de tes pas 
- Jeûne de pessimisme :
que l'espérance ne quitte jamais ton esprit. 
- Jeûne de préoccupations et d'inquiétudes inutiles :
que règne en toi la confiance en Dieu. 
- Jeûne d'occupations superficielles :
que la prière emplisse tes journées. 
- Jeûne de paroles futiles :
que le silence et l'écoute t'aident à entendre en toi le souffle de l'Esprit. " 

Jésus disait à ses disciples : "Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai Aimés." (Jn 15, 12)