1482
Charles Gay (1818-1892)
( 90ᵉ Élévation)
"Un jour, dans votre histoire, ô Dieu, vous avez eu un tombeau sur la terre, et selon cette nature que vous nous aviez empruntée, justement pour y pouvoir et souffrir et mourir, ce tombeau vous a renfermé.
Ce corps n'était point du tout un cadavre ; car pour défait qu'il fût et déchiré par tant d'affreux supplices, ce corps ne subissait ni ne pouvait subir l'ombre d'une corruption. La mort avait bien eu licence de frapper Jésus d'un premier coup, et c'est de Jésus même qu'elle avait reçu cette permission, mais, parce que là finissait sa fonction, là aussi s'arrêtait son pouvoir. La victime une fois immolée, le tombeau où on la déposait devenait un vrai tabernacle.
Etait-ce donc un lieu de mort que ce tombeau de Jésus ?
Tout tombeau est un lieu de mort. Mais au fond, en réalité, pour la foi qui est la vraie Lumière, était-ce la vie ou la mort qu'abritait cette tombe ?
C'était la Vie, une vie silencieuse.
Si l'on veut, une vie cachée et comme semée, attendant son moment pour éclore et paraître au monde, mais c'était bien la Vie, et quelle Vie ! Une vie haute, pleine, royale, maîtresse absolue d'elle-même, et qui, éclipsée trois jours pour l'avoir librement voulu, allait tout à l'heure éclater au dehors et peu à peu tout envahir, plus forte que le temps, plus vaste que l'espace, plus profonde que l'enfer.
oui, ce qui est mort en vous, ô mon Dieu, est plus vivant que tout le reste qui vit au ciel et sur la terre. Le grain de froment va refleurir en épi ; ce n'est pas même seulement un épi qu'il devient, c'est une moisson immense devant remplir la terre, persister jusqu'au dernier jour et nourrir divinement toute notre pauvre humanité.
Toute la vie de l'Église jusqu'à la fin des temps, toute vie surnaturelle donnée aux créatures, jaillit de ce rocher creusé où votre sacré corps a reposé trois jours : votre sépulcre est le grand baptistère où tous les enfants d'Adam se plongent pour en renaître enfants de Dieu.