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Jean Louis Chrétien (1952-2019)
(Promesses furtives p. 20-21)
« L’adverbe grec télé- qui signifie « loin » ou « de loin » est devenu l’un des préfixes les plus impérieux de la technique au siècle dernier… (cit. Heidegger 1950) : « Que se passe-t-il alors que par la suppression des distances, tout nous est également proche, également lointain ? Quelle est cette uniformité, dans laquelle les choses ne sont ni près ni loin, où tout est pour ainsi dire sans distance ? »…
Cette parousie de la télécommunication confère à l’homme une quasi-ubiquité : la seule distance qui me sépare de tous les lieux du monde est le temps, de plus en plus réduit, de la transmission physique des messages…
Notre existence tourne sans le savoir autour des satellites qui tournent autour de la terre pour en réfléchir d’un lieu à l’autre l’incessante rumeur. Comme cet inlassable afflux n’a plus de commune mesure avec notre attention, il nous reste la ressource du papillonnage (qui ferait une bonne traduction française du zapping). L’essence de tous ces médias est de se faire oublier, de nous jeter aux yeux et aux oreilles de l’immédiat. Nous sommes contemporains de tout ce qui arrive, dans ce néologique « temps réel » dont Jean Baudrillard a bien montré qu’il signifiait au contraire la déréalisation la plus accomplie du temps…
Le temps réel est celui du chemin ou du cheminement –non l’instantanéité illusoire. Le faire disparaître, c’est effacer l’acte même de présence, qui n’est autre que le mouvement pour venir en présence. Dans l’omniprésence de la télécommunication, tous sont là, et il n’y a personne. »
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