1966
Saint Pio de Pietrelcina
(Lettre de Padre Pio au père Agostino - fin janvier 1916)
" Mon âme ne cesse de soupirer sous le poids de cette nuit qui l'entoure et la pénètre totalement. Mais elle se trouve dans l'incapacité de penser, non seulement à des choses surnaturelles, mais même aux choses les plus simples. En outre, quand l'âme est sur le point de saisir le moindre rayon de la divinité, toute sorte de lumière disparaît aussitôt à son regard. La volonté se sent hors d'elle et s'efforce d'aimer mais elle devient soudain dure et ferme comme le roc. La mémoire fait tout pour s'attacher à quelque chose qui pourrait la consoler, mais tout, tout est inutile. N'est-ce-pas horrible ? Et ce n'est pas tout mon père. Ce qui accroît le plus mon tourment, c'est qu'il m'arrive parfois de me souvenir vaguement d'avoir, en d'autres temps connu et aimé ce même Seigneur que je n'ai plus l'impression de connaître ni d'aimer, comme s'il était devenu pour moi un inconnu, un absent, un étranger. Je m'efforce alors de trouver trace au moins chez les créatures de Celui que mon âme désire. Mais qui peut le dire ? je n'y reconnais plus l'image habituelle de Celui qui m'a abandonné. C'est alors que l'âme, vaincue par l'épouvante et la terreur, ne sachant plus que faire pour trouver son Dieu, s'écrie, en luttant avec son Seigneur : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Mais quel horrible effroi ! Personne ne répond à ce vide qu'elle ressent au fond d'elle même, pas même l'écho. Néanmoins, l'âme ne s'avoue pas encore vaincue. Elle fait de nouveaux efforts, mais toujours en vain. Elle sent alors que toute sa chaleur diminue, que toute sa force cesse, que ses pieux sentiments se sont complètement assoupis.
Arrachée à son Époux, déchirée jusqu'au plus profond d'elle-même, elle ne sait plus que faire dans cette nuit si obscure. Et, ce qui augmente encore mon supplice, c'est que ces tortures insupportables paraissent ne pas devoir finir. La pauvre âme ne voit pas de fin, à son horrible misère. J'ai l'impression qu'un mur de bronze m'enferme pour toujours dans cette atroce prison.
Les peines que j'éprouve alors sont si nombreuses et si aiguës que je ne saurais vous en montrer la différence par rapport à celles que je souffrirais si j'étais dans l'enfer même ; au contraire, permettez-moi de le dire, ici, dans cet état, je devrais souffrir encore davantage, en raison de l'amour dont le créateur est aimé. Mais poursuivons !
Lorsque ce martyre atteint son apogée, il me semble que mon âme est proche de se consoler à l'idée que, finalement, elle devra nécessairement tomber sous le poids de ces douleurs, car il est tout à fait impossible de les supporter plus longtemps."
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