1604
père Jacques Beaudry c.s.v
« Pour Jésus, aimer, c'est un certain regard. «Jésus le regarda et Il l'aima. » Jésus voit un diamant caché dans sa gangue. II voit lové dans sa petite graine vulnérable un arbre unique. II est prêt à mourir pour que l'autre se réalise .
- Aimer, c'est ne pas désespérer d'un être qui vous a déçu (le jeune homme riche; Pierre; Marthe).
- Aimer, c'est avoir mal pour ceux qui souffrent, être prêt à tout laisser pour un aveugle, un boiteux, un paralysé, un sourd, un possédé. Ce n'est pas ici de la pitié mais de la compassion.
- Aimer, c'est souffrir en silence sur les mauvais choix de ceux qu'on aime plutôt que de les convertir par force, par chantage ou par séduction (avec le jeune homme riche, ou ses apôtres).
- Aimer, c'est se faire l'avocat d'une courtisane et courir ainsi le risque d'y laisser sa réputation et sa vie (chez Simon le Pharisien).
- Aimer, c'est accepter que l'autre marche à son rythme, se réjouir de sa différence, respecter sa liberté (avec les apôtres).
- Aimer, c'est se lier avec un inspecteur des impôts malhonnête pour l’aider à grandir (Zachée).
- Aimer, c'est livrer son secret le plus personnel à une coquette qui en est à son sixième compagnon (la Samaritaine).
- Aimer, c'est s'abstenir de juger l'être aimé sur son passé. On ne le confond pas avec son casier judiciaire. Son avenir est vierge. Ainsi de la femme adultère ou de la prostituée chez Simon. Ainsi de Zachée ou du truand sur le Golgotha.
- Aimer, c'est rendre toutes ses chances à un ami qui a trahi. On ne lui parle même pas de ce qu'il a fait. On l'invite à brûler d'un feu plus fort. («Pierre, m'aimes-tu davantage?)
- Aimer, c'est être «ému jusqu'aux entrailles » devant un adversaire blessé sur la route, se mettre hors la loi pour lui et signer un chèque en blanc pour les frais d'hospitalisation (parabole du Bon Samaritain).
- Aimer, c'est rechercher à travers ronces et ravins celui ou celle qui s'est trompé de chemin (parabole de la brebis égarée). Peut-être faudra-t-il alors subir les plaintes du troupeau que l'on a dû délaisser. Peut-être faudra-t-il entendre les sarcasmes des mécontents : («Comment? Tu fréquentes ces gens-là?)
- Aimer, c'est accueillir le fils parti en cavale et qui a déshonoré la famille par sa conduite. On fera même la fiesta pour son retour. Et on ne criera pas : «Quand je pense que tu as fait pleurer ta mère! (Parabole de l'enfant prodigue.)
- Aimer, c'est faire demi-tour sur le chemin du temple, abandonnant son paquet d'offrandes et de prières parce que soudain on s'est souvenu que l'être aimé se sent peut-être mal aimé et qu'il faudrait vite, toute affaire cessante, aller se réconcilier.
- Aimer, c'est être comme notre Père du Ciel, Lui qui offre autant de soleil et de pluie au jardin des athées qu'à celui des carmélites. Ce que le soleil et la pluie sont aux plantes, soyez-le pour votre prochain, qu'il soit une rose ou un cactus.
- Notre Père du Ciel ne tirera aucune vengeance des supplices inhumains imposés à Celui qui Lui est plus cher que Lui-même, son Fils éternel. Rien, pas même l'ignominie la plus cruelle, ne Le découragera de nous aimer.
- Aimer, c'est parfois dire non devant un caprice ou un dérapage, comme on cogne sur l'ami s'il se débat à l'instant où on l'empêchait de se noyer. C'est ainsi que Simon-Pierres'est vu un jour traiter de shatan (adversaire).
- L'amour n'hésite pas à affronter le pouvoir lorsque celui-ci n'est plus au service de la dignité humaine. II prend de gros risques pour tenir tête aux porteurs d'anathèmes et autres dénicheurs de coupables. Leur qualité de grands prêtres ne l'impressionne pas.
- Aimer, c'est n'avoir, au moment de mourir sous la torture, que des paroles de pardon à l'égard de ses bourreaux. ~Je pense à ce prêtre d'un pays de l'Est qui me disait: «Lorsque j'étais soumis à la torture, j'entendais intérieurement mon tortionnaire me lancer une sorte de SOS : Regarde l'état pitoyable dans lequel je suis tombé ! »
- Aimer, c'est pardonner soixante-dix fois sept fois; ce qui, en hébreu, signifie toujours. »
Chaque rencontre de Jésus devrait nous rassurer. Si le Dieu qui a pris visage humain a aimé à ce point les êtres si peu recommandables de l'Evangile, pourquoi n'aurais-je pas mes chances moi aussi?
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